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Well et son body galbe
Par madmartigan dans On discute collant le 12 Octobre 2009 à 06:52Tags : d’un, noir, chirurgie, well, collantsLes chirurgiens esthétiques seraient promis au chômage, selon les collants Well. C'est à voir !
Un désir se fait de plus en plus insistant. Si impossible soit-il, il aimerait même se faire passer pour un droit dans le sillage du mouvement en faveur des droits de l’Homme : c’est l’aspiration à la beauté. Mais si une société peut organiser par des lois et des sanctions le respect de la vie ou de la dignité humaine, le droit à la beauté peut-il se défendre ? Il se heurte à un tirage au sort génétique où, si « tous ceux qui gagnent ont tenté leur chance », selon le slogan tautologique de la Française des jeux, beaucoup sont perdants.
Une spécialité chirurgicale s’est certes développée pour tenter de réparer les erreurs de la nature, après les ravages de la guerre. Mais la chirurgie esthétique ne peut pas toujours faire des miracles. Elle est néanmoins en plein essor puisque « l’information par l’image » dominante fait souvent que « le médium est le message » : la grâce de ceux qui parlent fait oublier ce qu’ils disent. Comment ne pas les envier ?
Deux paradoxes
Le slogan de la nouvelle publicité des collants Well, écrit blanc sur noir, vise donc à surprendre : « Chirurgiens esthétiques , leur intime-t-il, changez de métier ». Les deux paradoxes imbriqués dans l’injonction intriguent en effet : l’un a trait à la légitimité du bonnetier pour dicter sa loi au chirurgien. L’autre pose le problème du rapport entre collants et chirurgie esthétique. On reste perplexe jusqu’à ce que la solution saute aux yeux grâce à la métonymie d’un ravissant leurre d’appel sexuel, présentant l’effet pour la cause, qui stimule à son tour le réflexe de voyeurisme .
Des volumes par contrastes
Dans une mise hors-contexte par fond noir pour focaliser le regard sur lui, un corps de jeune femme est offert allongé sur une surface que l’intericonicité dictée par le slogan rapproche d’une table d’opération. Mais ne montrant que la partie pour le tout, une autre métonymie ne livre en plan moyen, chaussées d’escarpins vernis, que deux jambes découvertes sous une robe retroussée jusqu’aux hanches. Par un contraste saisissant, elles seules captent dans le noir profond où elles baignent, une lumière hors-champ en surplomb. La surface polie sur laquelle elles reposent, n’est elle-même perceptible que, par contraste , à leur reflet qu’elle réfléchit. Ainsi, finement gainées d’un voile satiné dont le grain invisible ne se différencie de la chair qu’au motif décoratif du haut des cuisses, paraissent-elles dans le noir luminescentes.
La charge culturelle du noir
Leur désunion répond sans doute au double jeu de l’exhibition et de la dissimulation propre au leurre d’appel sexuel pour stimuler le réflexe de frustration auquel se heurte toujours le voyeurisme : la jambe droite fléchie devant la gauche allongée cache soigneusement l’entrejambe. Mais cette posture longiligne accrue par la cambrure du pied qu’impriment les escarpins, permet de multiplier les angles sur les longues lignes courbes du galbe enviable dessiné.
Les collants Well, dits « Body galbe », s’en attribuent évidemment tout le mérite. Outre le leurre d’un mannequin aux lignes déjà parfaites, c’est oublier les vertus du noir ici choisi pour la mise en scène. Il est depuis toujours l’artisan de l’affinement des formes par l’absorption du rayonnement qui lui est propre. On paraît toujours plus mince en noir qu’en d’autres couleurs. Ainsi, de l’affinement est-il devenu la couleur du raffinement, et, de fil en aiguille, dans l’un des domaines où il se revendique, celle de l’érotisme, lui-même longtemps associé par la morale judéo-chrétienne au mal dont le noir était déjà la couleur.
Le leurre d’appel sexuel de Well s’ouvre ainsi sur une tout autre métonymie passée inaperçue, pour peu qu’on relève les indices d’un autre contexte : ces jambes exhibées avec leurs escarpins brillants sont-elles vraiment allongées sur la table d’opération vers laquelle le slogan a pu égarer un instant ? Qu’y viendraient-elles donc faire dans leur perfection ? La transparence des collants ne les rend-elles pas d’ailleurs à leur nudité originelle ? N’est-ce pas une opération bien différente que ces collants promettent à la cliente qui s’y laisse prendre, et dans des lieux les plus inattendus, prisés d’une libido libertine ?
Le bouchon n’est-il pas tout de même poussé un peu loin ? Sans doute l’affiche s’expose-t-elle à l’accusation de sexisme . Mais surtout, à proposer ainsi l’inaccessible, ne risque-t-on pas de voir la cliente s’en détourner par dépit ?
Devant la grâce d’une telle apparition surgie de la nuit, en tout cas, la présence d’un chirurgien esthétique tient assurément de « la rencontre fortuite (et insensée) sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie », chère à l’extravagance surréaliste. On comprend qu’il soit sagement invité à aller exercer ses talents ailleurs. Mais quant à le vouer au chômage comme le fait Well, c’est une exagération permise seulement par l’humour : les jambes ne sont pas tout ; la chirurgie esthétique a fort à faire : on n’embellit pas un buste ou un visage d’un simple voile satiné, du moins dans la culture européenne.
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